L’art de la sélection : entre terroir, cueillette et partenariat
Une démarche guidée par le terroir
Un distillateur du Sud n’est jamais loin de la notion de terroir. Les sols calcaires de la garrigue favorisent l’essence puissante du thym et du romarin ; les terrasses alluviales tempèrent la vivacité de la mélisse et de la menthe. Ainsi, bien loin d’être un acte anodin, la sélection d’une plante s’effectue en fonction :
- De la typicité du sol : un sol riche en calcaire, par exemple, favorise l’expression du camphre dans le romarin (source : INRAE, travaux sur la distillation des herbes de Provence).
- De l’exposition et de l’humidité : la lavande stoechas préfère les pentes exposées sud, tandis que la verveine s’épanouit dans les creux frais.
- De la proximités de vignes, de pins, ou d’oliviers, qui peuvent influencer les arômes grâce à la pollinisation croisée et à la synergie végétale.
La cueillette sauvage : rigueur et respect de la ressource
De nombreux distillateurs languedociens perpétuent la cueillette sauvage, surtout pour les herbes emblématiques (sarriette, immortelle, fenouil). Mais ce geste ancestral se fait désormais dans un cadre très précis :
- Calendrier fixé : La cueillette s’effectue tôt le matin, entre avril et juillet selon les espèces, pour préserver la fraîcheur des huiles essentielles.
- Récolte maîtrisée : Jamais plus d’un tiers de la plante n’est prélevé afin d’assurer le renouvellement du pied, en conformité avec le cahier des charges des cueilleurs professionnels reconnu par le Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc.
- Zones protégées : Certaines cueillettes sont interdites dans les espaces Natura 2000 ou dans les réserves naturelles, obligeant à une traçabilité stricte.
Une anecdote ? À Saint-Jean-de-Minervois, le distillateur du domaine Canet-Valette part chaque année « lever le thym » avec son père à la mi-mai. Il décrit l’importance de retourner toujours sur la même parcelle, où la terre « parle » différemment à chaque printemps (entretien avec Sud-Ouest, 2023).
De la plantation au contrat : la montée en puissance du local et du bio
Si la cueillette sauvage reste un pilier, la culture contrôlée gagne du terrain. Plusieurs raisons à cela :
- Rareté de certaines espèces (immortelle, hysope, lavande officinale) : la demande des distillateurs locaux a triplé depuis 2015 (source : Interprofession des Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales - PPAM de France).
- Volonté d’assurer une qualité constante : la culture permet une maîtrise du taux d’humidité, de la taille de coupe et du stade de maturité.
- Traçabilité : les distillateurs exigent aujourd’hui un certificat bio et l’absence de traitement, essentiels pour toute distillation en macération directe.
Des partenariats “de confiance” se nouent alors entre distillateurs et horticulteurs locaux. Certains signent même des baux de culture sur plusieurs années pour garantir des plantes parfaitement adaptées à leur signature aromatique.