La distillation artisanale : un art sans raccourci
Dans le Sud du Languedoc, la distillation relève d’une alchimie bien plus fine qu’il n’y paraît. La méthode ancestrale n’est jamais figée : elle évolue, se transmet ou s’adapte, mais certains principes demeurent.
L’alambic, cœur de la magie
Le choix de l’alambic reste crucial. Beaucoup d’artisans languedociens privilégient l’alambic à repasse (simple ou double distillation), le plus souvent en cuivre martelé localement — la Maison Prunet, basée à Clermont-l’Hérault, fournit encore quelques ateliers. Le cuivre, reconnu pour ses propriétés catalytiques (Source : INRAE), permet d’éliminer les composés soufrés et d’adoucir la chauffe, tout en préservant la fraîcheur fruitée.
La nature du feu n’est pas anodine : bois de vigne brûlé, sarments, ou encore gaz de schiste dans les installations les plus modernes. Le contrôle minute de la température, du flux de vapeur et de la coupe des têtes et des queues est essentiel :
- Les têtes (~5% du distillat) contiennent les alcools les plus volatils, souvent écartés pour leur agressivité aromatique.
- Le cœur de chauffe concentre les constituants nobles : esters, aldéhydes fruités, arômes « variétaux » de chaque fruit.
- Les queues (fin de distillation) sont chargées de notes lourdes et herbacées, contrebalancées ou éliminées selon les recettes des artisans.
Quand la patience fait la différence
Le vieillissement, ou non, est une signature du Sud. Si une majorité d’eaux-de-vie sont consommées blanches, quelques distillateurs expérimentent l’élevage sous bois (acacia, mûrier ou chêne local). Ce vieillissement, rare pour les eaux-de-vie fruitées françaises, permet de gagner en rondeur sans trahir le fruit. D'après L’Annuaire Officiel de la Distillation (2022), à peine 8% des eaux-de-vie artisanales élaborées dans l’Hérault et le Gard bénéficient d’un passage en fût.