Quand la montagne distille : les alambics du sud de l’Occitanie à l’assaut des sommets

3 juin 2025

Distiller en altitude : une quête d’authenticité

La distillation en zone de montagne est bien plus qu’un choix géographique : c’est souvent un engagement. Les distillateurs installés sur les contreforts des Pyrénées, des Cévennes ou du Massif central cherchent à sublimer un terroir singulier et exigeant, où chaque plante est le fruit d’un climat et d’une biodiversité exceptionnels. À plus de 600 mètres d’altitude, la flore se pare de senteurs uniques, exhalées par des plantes aromatiques comme le thym, le romarin, la lavande sauvage ou encore le génépi, emblème des hauteurs. Ici, chaque ingrédient est une étoile filante qu’il faut sublimer avec minutie.

Et la montagne, au passage, confère un autre avantage aux distillateurs : la pureté des eaux environnantes. Que l’on parle de sources glaciaires ou de ruisseaux serpentant les forêts, l’eau est l’un des ingrédients clés dans la confection des produits distillés. Pure et fraîche, elle apporte une finesse incomparable aux spiritueux.

Les trésors liquides des montagnes occitanes

Le renouveau des liqueurs de plantes

Dans les zones de montagne du sud de l’Occitanie, notamment les Cévennes et les Pyrénées, les distilleries redonnent vie à des spiritueux ancestraux : les liqueurs de plantes. À base de macérations d’herbes locales, puis doucement distillées, ces boissons reflètent un patrimoine botanique incroyable. C’est le cas, par exemple, du fameux « asperjous », une eau-de-vie traditionnelle cévenole rarement produite aujourd’hui, mais que certains passionnés font revivre.

Les recettes diffèrent et racontent des histoires de villages ou de familles. Génépi, aiguilles de pin, myrtilles sauvages ou encore immortelle des montagnes : chaque ingrédient raconte une saison, une altitude, un soin particulier pour le récolter. Ce sont des savoir-faire aussi bien hérités des anciens que réinventés par des esprits audacieux, souvent en bio ou en biodynamie.

Des eaux-de-vie à base de fruits locaux

Impossible de parler de distillation sans évoquer les eaux-de-vie de fruits. En montagne, où les vergers s’accrochent aux pentes, les fruits bénéficient souvent d’une concentration aromatique exceptionnelle grâce à des amplitudes thermiques élevées. Poires Williams des Pyrénées, prunes sauvages ou encore pommes des vallées reculées : toutes trouvent une seconde vie sous forme de spiritueux en altitude.

Certains artisans choisissent de ne pas sucrer excessivement leurs productions. Ils favorisent un profil aromatique brut et raffiné qui reflète le vrai goût du fruit, complété par des notes subtiles développées lors de la distillation en alambic. Cette démarche s’inscrit dans une quête de sincérité et de respect de la nature.

Les huiles essentielles distillées en pleine montagne

Mais les montagnes occitanes ne produisent pas que des alcools : elles sont aussi un sanctuaire pour la distillation d’huiles essentielles. Lavande aspic des hauteurs, hélichryse (ou immortelle) et genévrier sont transformés à la vapeur pour capturer leurs arômes et leurs bienfaits. Ces distillateurs travaillent souvent à petite échelle, favorisant la cueillette sauvage ou raisonnée.

Sur les pentes pyrénéennes, des micro-distilleries comme celle du plateau de Sault se consacrent uniquement à la transformation d’une flore locale unique, souvent en circuit ultra-court, pour produire des huiles convoitées dans toute la région pour leurs vertus thérapeutiques.

Portraits de quelques artisans des sommets

Les acteurs de la distillation montagnarde sont rares dans le grand sud de l’Occitanie, mais leur implication est prodigieuse. Voici deux exemples inspirants :

  • La distillerie de Saillagouse : nichée dans les Pyrénées-Orientales, cette petite structure se concentre sur des plantes d’altitude, notamment le génépi et la menthe poivrée. Installée à 1 200 mètres d’altitude, elle collabore étroitement avec des cueilleurs locaux, souvent agriculteurs bio, pour offrir des produits au plus près de leur terroir.
  • Distillerie Camisards : située au cœur des Cévennes, cette distillerie artisanale mise sur des recettes traditionnelles revisitées, comme une absinthe aux multiples plantes cueillies au sein du Parc national. En valorisant les savoir-faire cévenols, cette petite distillerie évoque l’histoire oubliée des potions d’antan, tout en intégrant des techniques modernes.

Au-delà des spiritueux et huiles essentielles, ces distilleries aiment aussi transmettre. Beaucoup organisent des visites, des ateliers ou des démonstrations. C’est une manière d’ancrer leur activité dans le quotidien des habitants et des amateurs de passage.

Pourquoi ces distilleries sont-elles encore peu connues ?

Malgré leur caractère unique, ces distilleries montagnardes souffrent parfois d’un manque de visibilité. À quoi est-ce dû ?

  • Leur petite taille : la plupart de ces distilleries ne produisent que quelques centaines ou milliers de litres par an. Elles privilégient la rareté et la qualité aux grands volumes.
  • L’isolement : localisées dans des zones reculées, elles ont parfois du mal à toucher un large public ou à contribuer à une distribution nationale.
  • Une tradition plus forte ailleurs : historiquement, la distillation montagnarde est davantage ancrée dans des régions comme les Alpes. En Occitanie, elle reste encore marginale.

Mais les choses évoluent : avec le désir grandissant des consommateurs pour le local, le bio et l’authentique, ces distilleries trouvent peu à peu leur place. Les marchés régionaux, les foires artisanales et surtout le bouche-à-oreille leur permettent de se faire connaître. L’intérêt croissant pour les spiritueux artisanaux contribue aussi à leur essor.

L’avenir : une piste ouverte vers les sommets

Les montagnes du sud occitan ne manquent ni de talents ni de plantes précieuses capables de nourrir des alambics. Alors que la protection de la biodiversité et la valorisation des terroirs deviennent des priorités, ces distilleries sont bien placées pour incarner l’avenir de la distillation artisanale.

Alors, lors de vos prochaines escapades en altitude, ouvrez l’œil. Peut-être tomberez-vous sur un alambic fumant niché derrière un col, ou une distillerie discrète où le cuivre et le feu s’associent pour capturer l’âme des sommets. Et n’hésitez pas à goûter : chaque goutte vous racontera une montagne.

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